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Formation au numérique – Les acteurs historiques « ont du mal à suivre la cadence » selon Samia Ghozlane, directrice de la GEN

La Grande Ecole du Numérique, un groupement d’intérêt public constitué de l’Etat et des entreprises Caisse des Dépôts, Société Générale et Orange, fédère un réseau de formations inclusives. Elle publie les premiers résultats de « GEN_SCAN », son observatoire national des besoins en formations et compétences numériques.  

« Pourquoi GEN-SCAN ? Parce que la problématique de pénurie des compétences perdure avec, face à elle, une offre de formations peu lisible, explique Samia Ghozlane, directrice générale de la GEN. En corollaire, les besoins des entreprises en termes de formation sont peu anticipés. Il nous faut aussi attirer davantage de personnes vers les métiers du numérique et faciliter l’orientation du grand public. Et à terme, GEN_SCAN doit permettre à l’écosystème de piloter l’offre de formation pour mieux répondre aux besoins des entreprises »

Le dispositif GEN_SCAN a été réalisé en plusieurs étapes, dont l’observatoire est la dernière. Le dispositif a commencé par une cartographie de référence exhaustive et lisible des métiers du numérique, regroupés en six familles (lire en fin d’article). Elle permet d’accéder pour chaque famille, métier ou poste aux offres d’emploi publiées et au nombre de formations disponibles.
L’étape suivante a été la mise en place d’une API pour alimenter le nouveau moteur de recherche sur le portail Internet de la GEN. Destiné au grand public, il donne accès, grâce à une recherche multicritère, à la totalité de l’offre de formation aux métiers du numérique disponible en France. Il est alimenté par les données des bases de l’ONISEP, de MonCompteFormation et du réseau CARIF-OREF.
Enfin, l’observatoire permet de visualiser la répartition des formations disponibles et de recenser les besoins en compétences numériques des entreprises. Des indicateurs clés vont par ailleurs permettre de piloter dans la durée l’offre de formation. Un indice de tension établit, quant à lui, le rapport entre les offres d’emploi et l’offre de formation disponible.

Un fort « turn over » dans les métiers de la tech

Pour réaliser cet observatoire, la GEN a analysé les caractéristiques et les chiffres des offres d’emploi publiées au 1er janvier 2023 et l’offre de formation disponible. « Nous avons aussi demandé à des experts de l’écosystème, de l’emploi, de la formation et du numérique d’apporter leur éclairage pour nous aider à dresser un portrait fidèle des besoins en compétences numériques des entreprises en ce début d’année 2023, déclare Samia Ghozlane. Il faut noter que dans ce premier rapport, toutes les offres d’emploi ne sont pas forcément recensées, certains recrutements se faisant sans passer par les job boards. Deuxième chose, les offres de formation que nous répertorions le sont par poste, par métier et par famille en lien avec notre cartographie. Dernier point, la segmentation et la bonne dénomination des postes reste un sujet complexe, de nombreuses typologies de métiers existant et nombre de nouvelles compétences ayant émergé, ce qui provoque parfois un chevauchement des différentes dénominations des postes », ajoute la directrice de la GEN.

Pour comptabiliser les offres d’emploi, le GEN s’est appuyée sur la base de données de la startup TrouveTaVoie, qui remonte toutes les offres d’emploi des différents job boards, de Pôle emploi, de l’APEC… Aujourd’hui, elle le constate, le nombre d’offres d’emploi continue de croître dans tous les métiers répertoriés. A cela, Sami Ghozlane voit deux raisons principales : « la transformation digitale de l’économie, qui se poursuit de manière intense, et le marché de la tech, qui présente globalement un turnover très important, entre 25 % et 30 % par an. Les candidats sont à la fois très volatiles et très sollicités par les entreprises et c’est un fait qu’on change de poste tous les deux à trois ans ».

Les formations à la traîne

La GEN a comptabilisé 13 999 formations aux métiers du numérique, un chiffre qui peut évoluer, les données étant transmises en flux continu. Mais l’offre de formation est souvent à la traîne et souffre d’un manque de réactivité, là où agilité et souplesse pour concevoir des parcours de formation seraient de mise. « A la fois les acteurs historiques de la formation, les opérateurs de formation, les OPCO et même l’enseignement supérieur ont du mal à suivre la cadence, constate Samia Ghozlane. Il faut un temps pour pouvoir mûrir un contenu, le développer, le proposer et c’est compliqué. En conséquence, les entreprises se sont appropriées cette problématique et deviennent un nouvel opérateur de formation, agile, en créant leurs propres « digital factories », leur universités… pour former leurs collaborateurs. L«  e-learning » est par ailleurs considéré comme un moyen pour déployer plus rapidement les formations ».

Samia Ghozlane indique à Solutions Numériques les leviers qui pourraient, d’après elle, être mobilisés pour une meilleure réactivité, afin d’adapter l’offre de formation : « Monter des cursus avec des entreprises, notamment celles de la tech, qui ont des besoins importants. Ou encore utiliser davantage le digital learning et les plateformes en ligne pour déployer plus rapidement des cursus et les faire évoluer, sachant que cette modalité se prête très bien aux formations au numérique ». Le prochain observatoire sera publié en septembre et s’appuiera sur l’évolution des statistiques au cours du 1er semestre 2023.

 

Emploi/formation : les six familles de métiers de la GEN

« Gestion, pilotage » concentre le plus d’offres d’emploi, pratiquement le quart, car les chefs de projets digitaux sont indispensables, de la PME au grand groupe, pour les accompagner dans leur transition digitale et coordonner des projets de plus en plus complexes et transverses. Les entreprises recherchent des profils agiles et la double compétence « tech » et « métier » est très prisée. Cependant, il existe peu de formations à ce métier : seulement 366.

« Sécurité, Cloud, réseau et télécom » arrive en tête quasiment à égalité avec la famille « Gestion, pilotage », représentant également un quart des offres d’emploi. Ses métiers ont pris de l’importance depuis la crise sanitaire et le recours généralisé au télétravail qui a fragilisé les systèmes d’information. C’est dans ce secteur que l’on dénombre le plus de formations, 6 009, et pourtant l’offre proposée est peu en phase avec les besoins, notamment dans la sécurité et le Cloud, qui nécessitent de connaître les toutes dernières évolutions technologiques et de s’autoformer en permanence. Le déploiement de la 5G nécessite des profils à double compétence : la compétence télécom et une compétence technique : IT, Cloud, cybersécurité, métier client…

« Développement, test et « Ops » est la 3ème famille avec 20 % des offres d’emploi. Malgré le nombre important de formations, 3 614, c’est toujours un métier en tension. Les langages se multipliant et se complexifiant, les besoins évoluent et les entreprises cherchent des profils expérimentés.

« Data, intelligence artificielle, IoT ». Les métiers de la data et du big data sont en tête suivis par ceux de l’IoT et de la robotique. Les besoins en IA et machine learning sont peu présents pour l’instant dans les offres d’emploi. Il existe depuis 2014 beaucoup de formations dans le secteur du big data, 1 438, souvent en ligne. En revanche, on ne répertorie que 235 formations dans l’IoT alors que les besoins sont amenés à augmenter fortement avec le déploiement de la 5G et les besoins liés à la green tech.

« Communication digitale, marketing et e-commerce » regroupe des métiers entièrement impactés par la digitalisation : ils représentent 15 % des offres d’emploi répertoriées au 1er janvier 2023 mais regroupent 30 % de l’offre globale des formations au numérique. Les métiers du e-commerce sont les plus recherchés depuis la crise. On constate un déficit d’experts SEO sur le marché, beaucoup préférant exercer en free lance ou en agence. Un métier semble particulièrement émerger ces derniers mois : le « growth hacker », très recherché par les startups.

« Interface, graphisme, design » est la famille la moins importante. La demande est plutôt stable pour les profils d’infographiste réservés aux grandes entreprises et plutôt exercés en agence et par des indépendants. Les métiers de l’UX et UI « design & web design » devraient beaucoup recruter en 2023. Si l’industrie française du jeu vidéo est l’une des premières au monde, elle recrute peu et uniquement dans les grandes métropoles. Il faudra suivre de près l’évolution des besoins liés à l’impression 3D, inexistants aujourd’hui, mais qui vont s’intensifier car ils couvrent de nombreux champs d’application, grâce notamment aux politiques de développement durable.

 

Patricia Dreidemy